Chronique de Concert
David Lafore
Ce vendredi soir je l'attendais depuis un moment ... pas uniquement parce que je commençais à trouver cette semaine de boulot bien longue, mais aussi et surtout parce que ce soir l'immense (je pèse mes mots) David Lafore était de retour à Marseille. Où ça ? au Petit Patio, qui est en fait un studio de danse (Tango) sur le haut des allées Gambetta (juste en face du kiosque). Ne connaissant pas le lieu et du coup pas ses habitudes en termes de respect des horaires et ne voulant pas en rater une miette nous arrivons là bas parmi les premiers (battu par la famille Pringels quand même) ce qui nous permet de visiter le (très très) Petit Patio, boire un coup au bar tenu par David lui-même toujours dans sa veste Navratilovaesque.
Au fur et à mesure que le public arrive il sort avec sa sur comme par magie des chaises des placards qui constituent le mur droit de la salle (voir time lapse #1). Je reconnais quelques têtes connues (dont certaines qui sont visiblement venues sur nos conseils) ... chacun prend place et un peu avant 21h David nous annonce que ça va commencer. Pendant que les dernières personnes qui étaient au bar se trouvent un siège, lui enlève sa veste qu'il troque pour une chemise. Comme quoi même lui malgré les apparences fait une différence entre le personnage public et l'homme de tous les jours (non je plaisante).
Il ajuste sa chemise, il boit un petit coup tranquillement, il se recoiffe, se rembraille ... tout cela avec ce petit sourire en coin et ce regard narquois. "bonsoir" ... "Bonsoir" ... "BONSOIR" ... "Ouaaa !" ... "OuaaaaaaAAA" ... "OUAAAAAAAAA" ... "calmos ! il faut pas démarrer trop fort non plus !". Il commence déjà à souffler le chaud et le froid sur une public de gens qui l'ont déjà vu pour la plupart mais pas que (il fera un petit sondage à mains levées à ce sujet) avant d'attaquer en douceur avec la superbe Danse avec moi.
La prochaine sera comme il le décrira lui-même "un tube" (blagues à part cette chanson est pour moi l'une des plus belles chansons que je connaisse avec Hotel Pourri de Louis Ville dans un style différent). Il s'agit bien évidemment de Un baiser une bombe (présent sur son disque II) dans une version plus dépouillée puisqu'il est seul, mais toujours aussi enivrante et touchante. Car oui j'ai oublié de le préciser mais ce soir il est on seulement seul (comme la dernière fois lors de la carte blanche d'Hakim Hamadouche à la Meson) mais en plus en acoustique "vrai", c'est-à-dire seul devant nous avec une guitare et sans autre électricité que celle des lumières de la salle (et encore vers la fin il nous fera même un morceau dans le noir complet - expérience aussi inhabituelle que plaisante).
Deux personnes étant arrivées au début de la chanson il ne pourra pas se retenir de leur dire bonsoir et de converser avec eux ... car oui les concerts de David Lafore sont extrêmement interactifs (cf son dernier passage au Leda Atomica Musique). Il n'a pas son pareil pour interagir avec le public sans que ça ne casse le rythme du concert, au contraire. Que ce soit avec les gens en retard, la toux de Annie qu'il masquera en jouant plus fort, ses interactions avec ce petit garçon qui gardera comme nous un souvenir impérissable de ce concert.
Il voit tout, entend tout et fait cas de tout, surtout dans une configuration comme celle-ci. C'est une des raisons pour lesquelles (l'autre étant le faible volume sonore) je n'ai pris que très peu de photos. Malgré mes précautions, ça n'a pas coupé ; il a fini par me prendre gentiment à partie "c'est un numérique ?" et me voilà en train de battre la mesure sur un bout de morceau à coup de "clic", le visage probablement aussi rouge que son oreille gauche, plutôt habitué à rester dans l'ombre que je suis.
David se met à nu sur scène ... déjà par les morceaux qu'il joue, les textes souvent drôles, doux, tendres, parfois énigmatiques, qui même si on ne comprend pas toujours où il veut en venir installe avec nous une relation de confiance et complicité qui nous poussera à faire des choses qu'on ne ferait pas sinon (je pense par exemple à chanter en cur avec lui Un assassinat qu'il a commencé a capella). Surtout qu'entre les morceaux il nous raconte aussi des petites choses (encore une fois plutôt drôles) sur lui : sur son oreille gauche qui devient rouge plus vite que la droite, sur la moustache de Staline vue dans les nuages, sa confiance en soi etc ...
Pour la prochaine il nous prévient on va aller en crescendo vers le bas ... il conseille même à ceux qui ne seraient pas au top de leur forme psychologique en ce moment d'aller faire un tour sur Gambetta. Il s'agit de Au bord de la mer. C'est aussi cela qui est impressionnant chez David et qui accessoirement fait qu'il est aussi difficile à classer ou décrire. Il est drôle alors qu'il fait essentiellement des chansons belles et plutôt tristes. Des chansons d'ailleurs qui si elles sont tristes ne rendent pas triste (au contraire !) un peu comme les chansons de Brel.
Entre les morceaux il regarde son petit cahier sur lequel il a la liste des morceaux bossés / possibles pour ce soir (cf ici), sur lequel figuraient parmi les morceaux non joués 20 francs, Pantalon Blanc, Barbibar, L'oisillon, Dodu, Sur ma mule, Fleur de rond-point .... Pas de vraie setlist donc, en accord avec la très grande liberté qu'il se donne dans ses concerts. Lors de ma récente chronique du concert de Didier Super à Marseille je me souviens avoir comparé Didier à David car effectivement les deux ont une sacrée présence sur scène ... je continue à trouver comme point commun ce truc qu'ils y dégagent mais à y réfléchir ils n'ont pas tant de points communs que ça.
Didier est un "personnage fictif" (c'est même écrit sur son fb) là où David est lui-même, le spectacle de Didier est écrit et joué à la virgule près (ce qui n'enlève rien à sa qualité et n'empêche pas de le revoir le surlendemain et de le trouve aussi bon) là où celui de David est improvisé d'un bout à l'autre comme je le disais ci-dessus (même si évidemment d'un soir à l'autre il doit y avoir des similitudes et qu'il aime les gags récurrents - ce soir la moustache de Brassens et le Ctrl+Z) . Didier nous secoue par son propos là où David nous secoue par la beauté de ses textes. La musique des morceaux de Didier est relativement brute de décoffrage, là où celle de David est clairement faussement minimaliste (il m'avait fallu plusieurs années pour prendre conscience de son adresse !). Bref deux artistes aux antipodes sur la forme et que je serai curieux de voir interagir ... je referme cette parenthèse et reviens au concert.
En parlant de faux minimalisme. Les deux prochains morceaux ils les fera sans guitare, juste en tapant des pieds et en claquant des doigts. Il s'agira de la fameuse Petite culotte suivie de l'Assasinat dont je parlais plus haut. Prouesse technique et vocale bluffante. Du coup (pour relâcher un peu la pression / tension ?) il enchainera par un de ses petits medley de reprises avec ce soir Nirvana (mais que la guitare) - on verra si effectivement je pense à son histoire du mec qui va sonner chez Benoit la prochaine fois que j'entendrai Smells like teen spirit -, David Bowie (très très court), REM (là aussi encore pour frustrer le public), Cindy Lauper (là il se lâchera sur le chant) ... un grand moment de détente.
Retour au choses "sérieuse" avec Je te garde dans ses deux versions (la française telle qu'on la trouve sur son avant dernier J'ai l'amour et la version "italienne" qu'on trouve sur son dernier Les cheveux). Tiens je réalise que vers le début du concert il avait aussi joué J'ai l'amour (un des morceaux préféré de mes enfants) avec son "zizi" qui devient "mmm mmm" vers la fin du morceau.
Ensuite il y a aura Mouillée à l'origine écrit pour une femme, le toujours aussi efficace Jalousie en solo comme ça, suivie d'un de ses rares morceau en anglais In the car que j'aime vraiment beaucoup aussi ! Suivront une étonnante reprise de Do you really want to hurt me de Boy George / Culture Club, les Cheveux puis l'inédit (sur disque) Œufs au plat (qui ne doit pas s'appeler comme ça), deux morceaux pleins de tendresse et de "tristesse".
Je me perds un peu dans mes notes mais il a en effet aussi joué une nuit d'été dans le noir complet comme premier dernier morceaux, avant de faire un mini bout de Minou (sur demande du garçon de devant) et de finir pour de bon par un long et sans (r)appel J'ai massacré tout un pays ...
Dans ses yeux et son sourire lorsqu'il saluera je lirai toute le bonheur et la satisfaction de celui qui a tout donné et qui sait qu'il a fait passer une superbe soirée au public encore une fois. Comme à chaque fois (si mes comptes sont bons c'était quand même la 14ème fois que je le vois) David Lafore m'a paru plus troublant et plus touchant que la fois précédente, et je ne peux donc que vous encourager à découvrir. En partant je referai le plein de disques (il avait à nouveau du II que j'ai égaré) pour mes futurs cadeaux d'anniversaires ! En tout cas vivement qu'il repasse à Marseille pour tous ceux qui n'étaient pas là ce soir !
Setlist : Danse avec moi, Un baiser une bombe, J'ai l'amour, Laissons-nous, Au bord de la mer, Culotte, Assassinat, Medley reprises, Je te garde, Mouillée, Jalousie, In the Car, reprise, Cheveux, Œufs au plat, Une nuit d'été, Minou, J'ai massacré tout un pays
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Critique écrite le 19 mai 2018 par pirlouiiiit
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> Réponse le 22 mai 2018, par panamdanslame
superbe description...on s'y croirait! Il est sacrément fort ce Lafore... Réagir
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